L’automne enchante

Octobre à Montréal, c’est l’automne qui chante, sous l’azur froid du ciel et nos pas bondissants, j’écoute craqueler les feuilles, réjouie comme une enfant des monticules instables et mouvants que d’un matin à l’autre font grandir les bourrasques. Bientôt les arbres seront nus, mais d’ici là je récolte les images de la valse du temps, retirant peu à peu le fard et les atours.

C’est l’automne qui nous change, nous élance vers le haut avant que les frimas d’hiver nous plient et nous recroquevillent. Au tout début on lève sans cesse le regard, la sève chaude semble irriguer à toute allure des faisceaux de couleurs, cuivre, fauve, corail, les jours diminuent et sans attendre les feuilles entament leur chant du cygne, ce don sublime de la nature au regard  des hommes, juste avant le grand effondrement, les pluies les chutes et puis le dénuement.

La grâce. Ici l’été se retire dans une lente cérémonie : son règne se meurt dans la course enivrée d’un ballet de couleurs, qui se meuvent et nous touchent, par dessus les lacs et dans les villes, le long du canal et les lacets de routes, sur les frênes orphelins et les buissons grimpants, les flancs de colline et les friches sauvages.

Parfois c’est un seul arbre qui à lui seul contient l’ensemble de la gamme : autour du vert tendre estival s’entrelacent des nervures de miel, quand les branches les plus basses ploient un peu sous la prestance charnues de parures carmins, d’un rouge si lumineux que le soleil s’y reflète et s’y noie. La cime pourpre fièrement tendue vers le ciel, avec panache le tout recompose la partition entière des rythmes de l’automne : les prémisses frémissantes d’un ocre mordoré, le rouge éparse un peu timide, puis si intense soudain, l’apogée enfin aux éclats saisissants, qui rugit et subjugue,

et déjà le déclin.

 fou bonaventure rail rouge luz